lundi 18 décembre 2017

Fenêtre des rêves


Rêves de voyages




Retour

Heureux le voyageur que sa ville chérie
Voit rentrer dans le port, aux premiers feux du jour !
Qui salue à la fois le ciel et la patrie,
La vie et le bonheur, le soleil et l’amour !


— Regardez, compagnons, un navire s’avance.
La mer, qui l’emporta, le rapporte en cadence,
En écumant sous lui, comme un hardi coursier,
Qui, tout en se cabrant, sent son vieux cavalier.


Salut ! qui que tu sois, toi dont la blanche voile
De ce large horizon accourt en palpitant !
Heureux ! quand tu reviens, si ton errante étoile
T’a fait aimer la rive ! heureux si l’on t’attend !


D’où viens-tu, beau navire ? à quel lointain rivage,
Léviathan superbe, as-tu lavé tes flancs ?
Est-tu blessé, guerrier ? Viens-tu d’un long voyage ?
C’est une chose à voir, quand tout un équipage,
Monté jeune à la mer, revient en cheveux blancs.


Es-tu riche ? viens-tu de l’Inde ou du Mexique ?
Ta quille est-elle lourde, ou si les vents du nord
T’ont pris, pour ta rançon, le poids de ton trésor ?
As-tu bravé la foudre et passé le tropique ?
T’es-tu, pendant deux ans, promené sur la mort,
Couvrant d’un œil hagard ta boussole tremblante,
Pour qu’une Européenne, une pâle indolente,
Puisse embaumer son bain des parfums du sérail
Et froisser dans la valse un collier de corail ?

Comme le cœur bondit quand la terre natale,
Au moment du retour, commence à s’approcher,
Et du vaste Océan sort avec son clocher !
Et quel tourment divin dans ce court intervalle,
Où l’on sent qu’elle arrive et qu’on va la toucher !

Ô patrie ! ô patrie ! ineffable mystère !
Mot sublime et terrible ! inconcevable amour !
L’homme n’est-il donc né que pour un coin de terre,
Pour y bâtir son nid, et pour y vivre un jour ?

                                                                               Alfred de Musset


8 commentaires:

  1. L'envie de découvrir l'ailleurs est toujours là
    Mr De Musset a su bien dire les choses
    Merci

    RépondreSupprimer
  2. Très actuel comme thème!
    Et pourtant que les choses changent entre le départ et le retour...

    RépondreSupprimer
  3. Tiens, le retour des fenêtres !

    Magnifique poème dont on connaît surtout les derniers vers.Merci de l’avoir cité dans son intégralité.
    Les strophes 4 et 5 ont des accents baudelaireiens.

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour,

    Quel plaisir de lire ce poème !

    Gros bisous et joyeuses fêtes ❄️❄️ ☃️☃️ ❄️❄️

    RépondreSupprimer
  5. Magnifique poème !
    Heureux de rentrer... tout dépend ! En 2014, j'ai ressenti un gros spleen après notre escapade. La pluie picarde y était sûrement pour quelque chose.
    Bonne journée et A+ !

    RépondreSupprimer
  6. J'ai entendu parler de quelqu'un qui a ouvert les yeux par une fenêtre des rêves et y a vu un beau et long camping car dans lequel à l'arrière il pouvait transporter sa petite 108 Peugeot. Le hic est qu'à force de passer sur les dos d'ânes à la c... l'arrière a commencé à partir en c... et le constructeur ne veut rien savoir. Un truc de conception allemande paraît-il.
    Je sais mon propos n'est pas aussi beau que celui d'Alfred.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Immanence camping car avec la voiture derrière, c'est courant chez les kin kin ...

      Supprimer
    2. Oui Daniel mais sans doute sont-ils de meilleure conception que celui dont je parle.

      Supprimer