Ile d'Olonne
°°
La fileuse
Assise la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline.
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts, si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline…
Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ces pertes de fleur le jardin de l’oisive.
Une tige où le vent vagabond se repose
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée,
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses deux doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au fuseau doux, crédule
La chevelure ondule au gré de la caresse…
Tu es morte naïve au bord du crépuscule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte.
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir. Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
Paul Valéry
La fileuse
Assise la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline.
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts, si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline…
Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ces pertes de fleur le jardin de l’oisive.
Une tige où le vent vagabond se repose
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée,
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses deux doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au fuseau doux, crédule
La chevelure ondule au gré de la caresse…
Tu es morte naïve au bord du crépuscule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte.
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir. Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
Paul Valéry